Maison hantée de Teresa : panique dans les Alpes
Maison hantée de Teresa : panique dans les Alpes
Archive Le DL, la maison hantée de Teresa dans la vallée de la Maurienne.
Février 1955 en Savoie. Dans la vallée de la Maurienne depuis des jours, la météo ne fait pas de cadeau. Après la neige, ce sont des pluies catastrophiques qui se sont abattues, notamment autour de Saint-Jean-de-Maurienne.
Époque
De quoi donner envie de vite rentrer chez soi. Bien sûr, à l’époque "chez soi", cela ne relève pas forcément du palace. Pour nombre de travailleurs pauvres, il s’agit plutôt de modestes masures.
Confort
Prenez Bonrieux par exemple. Dans ce quartier, des familles d’ouvriers italiens se contentent du confort plus que rudimentaire de vieilles maisons qu’elles se partagent. C’est le cas des Castrignano et des Rotella.
Bâtisse
Les premiers habitent au-dessus des seconds dans une bâtisse du XIVe siècle où depuis longtemps le charme de l’ancien est devenu vétusté.
Convivialité
Mais la simplicité n’empêchant pas la convivialité, au soir du jeudi 24 février 1955, en plus de ces deux familles, les quatre murs abritent les Costa, beau-frère et belle-sœur des Castrignano. On passe la soirée entre Calabrais, les enfants jouent, les adultes discutent, puis chacun va se coucher.
Maisonnée
La maisonnée dort paisiblement jusqu'à 5 h 30 du matin À cette heure précise les Castrignano sont réveillés en sursaut par des coups violents frappés à la porte de la chambre. Le père de famille, 22 ans, se lève, ouvre… Personne dans le couloir.
Blague
Un coup de tonnerre ? Une mauvaise blague ? Peu importe. Mais alors que tous s’apprêtent à se rendormir, nouvelle alerte. De l’étage, d’en dessous parviennent des cris. Chez les Rotella, même phénomène. Avec une dose d’étrange supplémentaire : des objets se sont mis à bouger tout seuls.
Nicolas Rotella
Nicolas Rotella n’est pas fou. Il n’a pas non plus abusé de la grappa la veille au soir. Mais cet employé d’Opinel n’a pas la berlue : il voit des objets s’envoler… Le calme et la raison, vont-ils revenir avec le jour ? Absolument pas.
Matinée
Dans la matinée du vendredi 25 février 1955, la cuisinière sursaute, les casseroles se renversent, un tabouret et un buffet se mettent à bouger. Le tout sur fond de coups répétés. "Je n’ai pas peur, je n’ai pas peur" martèle Rotella pour tenter de conjurer le sort. Peine perdue.
Ambiance
L’ambiance devient si effrayante, que l’on s’en va chercher monsieur le maire, la police, et même le curé ! Le premier constate que ses administrés sont sains d’esprit. La preuve, des voisins confirment les bruits entendus. Le chanoine Bellet, lui, tente de rassurer ses ouailles en bénissant les lieux. Sauf que le manège diabolique persiste.
Correspondant
Et à 21 heures le correspondant du Dauphiné Libéré arrive sur place… Le tabouret se déplace sous ses yeux. Une dizaine de personnes surexcitées dans la pièce? Peut-être que l’une d’entre elle a fait bouger le siège sans qu’il ne s'en rende compte ?
Curé
Le curé et le maire tentent aussi de rester rationnels. La maison date du XIVe siècle et le Sous-sol du quartier est parsemé de vieilles caves plus ou moins comblées. Avec les pluies diluviennes qui viennent de tomber, peut-être que l’habitation est en train de bouger sur ses fondations ?
Hypothèse
Mérite de l’hypothèse : aucun esprit ne hante la maison, le rationalisme est sauvé. Inconvénient cela signifie que la bâtisse risque de s’effondrer. Au matin du samedi 26 février 1955, le maire Samuel Pasquier préfère donc opter pour la prudence : on évacue !
Reloger
Pas de souci ! Même s’il va falloir trouver une solution pour se reloger, c’est volontiers que les Castrignano et les Rotella se préparent à déguerpir. Car les phénomènes étranges continuent !
Archive Le DL, Rotella et Castrignano.
D’autres personnalités se rendent sur place Parmi eux l’ancien maire, et député, M. Girard. Venu pour réconforter les occupants des lieux, il voit lui aussi les objets s’animer…
Esprits
Le dimanche 27 février 1955, on décide donc d’en avoir le cœur net. Le jour du Seigneur, les esprits malins ne vont quand même pas continuer à se manifester !? Dans la minuscule cuisine des Rotella, les notables de la cité vont rester sur place pour la nuit.
Magnétophone
Histoire de se raccrocher à la modernité, on prévoit un magnétophone pour enregistrer les bruits. Et la veillée commence.
Présents
Le curé, le maire, son prédécesseur, le commissaire, le journaliste… Tous sont présents, aux côtés des Rotella, des Castrignano et des Costa. Et la veillée commence… Teresa Costa, bébé dans les bras, fixe le magnétophone l’air inquiète. Les autres scrutent la pièce, attentifs au moindre bruit.
Minuit
Rien. On finirait presque par se détendre. À minuit, le technicien du son, estimant que l’heure du crime est passée, décide de ranger son matériel et donne le signal du départ. On pose les verres sur le buffet, on remet sa veste et on s’apprête à rentrer chez soi l’âme un peu plus sereine. Mais…
Choc
On était en train de se souhaiter le bonsoir. "Tout à coup, on entend un choc et on voit les verres qui sont littéralement catapultés" racontera plus tard Aimé Socquet, employé aux usines Péchiney. "C’était quelque chose de fantastique." Quelqu’un qui n’a pas vu ça ne peut pas se rendre compte.
Voltiger
Je me retourne sans penser à rien et à ce moment-là, je vois voltiger le broc. Je réussis à l’attraper au vol, je le repose sur la table, mais il "retombe" témoigne-t-il dans les colonnes du journal. "Je n’y croyais pas, j’aime mieux vous le dire" précise aussi M. Girard.
Broc
"Je repérais les objets et j’ai vu passer le broc devant moi comme un éclair venir frapper M. Castrignano dans le dos".
Personne
"Il n’y avait personne à côté susceptible de le renverser. Je me suis baissé et j’ai passé la main autour pour voir s’il n’y avait pas "un fil invisible accroché". Vaisselle cassée, table soulevée, bouteille de limonade faisant un bond de 70 cm...
Bizarreries
Les bizarreries s’enchaînent. Et Aimé Socquet de conclure : "On n’a absolument rien pu faire". "Qu’est-ce que vous auriez voulu faire " demande alors l’abbé Rosset, témoin de la conversation. Réponse : "Faire la chaîne autour de Mme Costa pour la dégager de son fluide et voir ce qui allait se passer"…
Récits
Les récits commencent à se modifier. Et si ce n’était pas la maison qui était hantée, mais Teresa qui provoquait toutes ces étrangetés ? "J’ai vu aussi remuer le tabouret sur lequel Mme Costa était assise. Elle a poussé un cri en faisant un saut en l’air " confirme M. Girard.
Jeune
Mais pourquoi d’un coup se focaliser sur cette jeune femme de 24 ans ? Parce qu’elle est la plus nerveuse de tous les habitants présents dès le début de l’affaire. Si nerveuse qu’elle est tombée en syncope.
Catalepsie
Quand le docteur Bochet est arrivé, il a constaté une raideur extraordinaire proche de la catalepsie.Teresa ou pas, en tout cas sur place, l’affaire n’en finit pas de faire causer. Le 28 février 1955, pendant qu’à Notre-Dame, sont célébrées les obsèques de Paul Claudel, en Maurienne on s’en remet aussi au bon dieu pour ne pas trop croire au diable.
Fantôme
"Ça bouge toujours ?" "Tu vas faire le fantôme ? " Voilà les mots lâchés au fil de conversations. Mais personne n’a vraiment le cœur à plaisanter. "Il y a trop de gens, de braves gens dont la bonne foi ne peut être mise en doute" note alors le correspondant du Dauphiné.
Perplexe
Correspondant lui-même si perplexe après ce qu’il a vu, que "la fortune de l’Aga Khan ne pourrait nous convaincre de passer une nuit dans la sinistre maison" ajoute-t-il.
Occupants
D’ailleurs personne n’y dort. Ses occupants sont partis dans un autre quartier, au Moulin des Prés, chez les beaux-parents de Castrignano. À Bonrieux, le calme revient aussitôt. Plus aucun bruit autour de la demeure vide ?
Archive Le DL, Monsieur le maire, la police et le curé.
Cauchemar
Le cauchemar recommence Coups sourds, objets volants à chaque fois Teresa au bord du malaise. Avec son mari et ses enfants, elle finit d’ailleurs par rentrer chez eux à Saint-Julien-de-Maurienne (actuel Saint-Julien-Mont-Denis), à quelques kilomètres.
Commentaire
Commentaire du vieux Castrignano "Nous ne sommes pas assez riches pour voir notre vaisselle se briser pièce par pièce, alors il a bien fallu que Teresa s’en aille." Aussitôt, le Moulin des Prés retrouve sa sérénité. Les objets restent tranquilles, le calme règne.
Soulagement
Un vrai soulagement. Il n’empêche, maisons hantées ou Calabraise aux dons de médium, tous les témoins restent marqués par ce qu’ils ont vu.
Premiers
À commencer par les premiers concernés. Rotella a vu une de ses chaussures traverser une pièce avant que l’autre ne fasse pareil un quart d’heure plus tard.
Frayeur
Et pendant qu’il est allé chercher le lait, sa femme a eu la frayeur de sa vie quand une pierre grosse comme le poing est tombée à ses pieds dans un couloir. Elle était alors en compagnie de Teresa.
Panique
Mais pour le maire, avocat de profession, et le commissaire, pas question de céder à la panique ! Objectif : maintenir "l’ordre public".
Phénomène
Même si, de leurs propres aveux, le phénomène échappe à leur entendement… Et puis comme l’écrit le journaliste du Dauphiné, " il est probable que bien vite d’autres sujets d’actualité effaceront le souvenir de ce qui fut un jour la maison hantée de Saint-Jean-de-Maurienne".
Hantée
Ou pas. Seul changement en fait, début mars on ne parle plus de la maison hantée de Saint-Jean… Mais de celle de Saint-Julien. Les "esprits" ont en effet suivi Teresa.
Visite
Quand le 2 mars 1955 sa sœur vient lui rendre visite, alors que Teresa se plaint d’une grande fatigue, d’un coup la marmite pleine d’eau qui chauffait sur la cuisinière tombe à terre toute seule.
Panique
Anonciata Costa s’en va alors chercher une voisine. À leur retour, Teresa est en panique : deux bouteilles ont "sauté" sur le sol. Mme Varnier, la voisine, les remet aussitôt sur la table.
Bouteilles
Quelques minutes passent et les bouteilles "s’éjectent" toutes seules pendant que des bruits sourds cognent à l’intérieur d’un placard. M. Costa revient de son travail, le maire de Saint-Julien arrive avec d’autres hommes, le journaliste du Dauphiné et celui du Progrès débarquent à leur tour.
Bouilloire
Et la sarabande reprend. Le couvercle d’une bouilloire en fonte s’envole, le banc sur lequel Teresa est assise s’en va percuter le mur. Chaque fois que quelqu’un tente de bloquer un objet, la jeune Calabraise est prise de tremblements compulsifs. De quoi devenir fou…
Archive Le DL, Teresa Costa.
Psychiatre
Teresa va de plus en plus mal Le lendemain, on compte l’emmener chez un psychiatre de Chambéry, au cas où la science puisse remettre un peu d’ordre dans tout ça.
Journalistes
Il est grand temps : même des journalistes étrangers sont venus sur place ! Certains le regrettent d’ailleurs, rien ne s’est passé en leur présence. Une casserole de lait leur passe sous le nez et s’en va tomber à terre quelques mètres plus loin.
Médecin
Pour Teresa, le verdict du médecin est, en tout cas, formel : peu importe la raison pour laquelle les casseroles volent, la jeune femme a besoin d’un repos complet vu son état nerveux.
Hospitalisation
Une hospitalisation à Chambéry est conseillée. Et il n’y a pas que Teresa qui aurait besoin de repos. Dans la vallée alpine, la fièvre gagne.
Roger-Louis Lachat
Il est donc grand temps de tout reprendre depuis le début calmement, histoire d’y voir clair. Pour le Dauphiné Libéré, c’est au tour de Roger-Louis Lachat, grand reporter, de s’y frotter. Un œil extérieur à la situation, voilà ce qu’il faut pour tenter de comprendre toute cette histoire.
Reporter
Carnet en main, photographe à ses côtés, l’homme veut faire le tour de la question, avec un scepticisme affiché. "En plusieurs lustres d’exercices journalistiques, les maisons hantées ne nous manquèrent point, finissant invariablement par une pitrerie". Et cette fois ?
Lieux
"C’est du solide" dixit le grand reporter. "On revient des lieux du maléfice la gorge sèche, sais d’une sorte de malaise sourd et pourquoi ne pas le dire bouleversé". Qu’a-t-il découvert ? L’atmosphère est saine. Personne ne ment, personne ne triche.
Personnages
Alors Lachat prend les personnages de l’histoire un à un. À commencer par Teresa. Quand il la rencontre, la jeune femme est si touchée par ce qui se passe qu’elle est alitée.
Crier
Cela fait des jours qu’elle ne dort plus et qu’elle n’avale presque rien. Alors que dans la pièce voisine, les objets bougent, porte fermée, on l’entend crier et gémir de l’autre côté de la cloison. En ouvrant la porte, Lachat la découvre crucifix dans les mains, semblant tétanisées et peinant à s’exprimer.
Comprendre
Teresa ne parle pas un mot de Français. Et comprendre son italien n’est pas aisé tant il est teinté de patois calabrais. Elle n’est arrivée en France qu’en décembre 54. Dans sa Calabre natale, jeune fille très croyante, elle dit avoir vu en rêve Saint Joseph qui lui aurait indiqué où trouver une cassette d’or.
Rêves
Elle n’a rien découvert, mais les rêves ont continué. Alors elle a pensé se faire religieuse. Puis a renoncé parce qu’elle souhaitait fonder une famille. Elle a épousé Costa, qui a trouvé du travail en France comme tant d’autres Italiens poussés par la misère.
Enfants
Elle vient juste de le rejoindre avec leurs deux enfants. Le premier a 18 mois, le second vient de naître. À part elle ?
Archive Le DL, photo des verres littéralement catapultés.
Témoins
37 personnes, en éliminant ceux qui ne sont pas sûrs ou ceux trop proches des familles et donc pas assez "neutres". 37 citoyens aux CV impeccables : deux maires, un ancien élu, un horticulteur, un charpentier, le garde-champêtre, une institutrice, un médecin, un agent de police, deux hommes d’église. À se croire dans un roman de Simenon.
Récits
Et à chaque fois des récits qui se recoupent. Le chasseur Constant Rol avoue avoir été saisi au point "de n’avoir plus une goutte de sang dans les veines".
Confirmation
Confirmation du maire de Saint-Julien Achille Charvoz : "On n’a pas peur au pays des ardoisiers, sous la montagne des gars bien trempés. Eh bien moi, je n’ai pas honte d’avouer encore que lorsque j’en suis revenu, j’étais blanc comme un "linge".
Climat
Dans ce climat de fièvre où se reposer est devenu impossible, Teresa accepte finalement d’être hospitalisée à Chambéry.
Retour
Là, soignée et au calme, elle reprend des forces. Mais au bout de sept jours, son mari réclame son retour. Contre l’avis des médecins, Teresa regagne la vallée.
Archive Le DL, Isma Visco de son vrai nom François Cuttat, est illusionniste de profession.
Isma Visco
Isma Visco. De son vrai nom François Cuttat, est illusionniste de profession. Alors qu’il est de passage dans la région, ce Suisse le clame sur tous les toits.
Supercherie
Tout ceci n’est qu’une supercherie et il se fait fort de le prouver ! Autorisé à pénétrer dans la maison de Bonrieux, il tente de faire bouger des objets comme les témoins l’ont décrit. Mais les fils de nylon qu’il utilise se voient, se cassent, et l’expérience ne convainc pas.
Domicile
À Bonrieux d’ailleurs, les Rotella et les Castrignano ont finalement regagné leur domicile. Plus de Teresa, logée chez les Crespo, des amis habitant dans un autre quartier. Et pourtant, le 17 mars 1955, ils préviennent le maire tout recommence.
Ville
Désormais, la ville est coupée en deux : ceux qui croient aux phénomènes et ceux qui n’y croient pas. "Térésites" contre "Ismaliens", les deux camps sont quand même d’accord sur un point : le mystère n’a que trop duré. Alors pas une oreille ne rate l’annonce faite par Isma Visco : au cours d’une soirée, il démontrera à tous la vérité.
Théâtre
Le rendez-vous est pris : ce sera le 28 mars 1955. Au cours d’un grand gala au théâtre municipal, l’homme expliquera quelques trucs et astuces de magie.
Témoins
Tous les témoins de l’affaire Costa seront invités et les bénéfices de la soirée seront offerts aux œuvres de la Ville. Mieux encore, Isma Visco se propose de tirer l’affaire au clair en 48 heures.
Objets
Si Teresa fait bouger des objets il remettra la somme d'un million de francs aux œuvres de la Ville ! La famille Costa accepte : Teresa se prêtera à l’expérience. D’autant que selon son entourage, elle contrôle désormais son "pouvoir" et déplace les objets par sa simple volonté.
Valser
Ce que constatent des journalistes venus de Paris qui voient à leur tour devant leurs yeux valser casseroles et ciseaux. Quant au correspondant du Dauphiné, il observe une fois de plus un tabouret s’en aller se fracasser contre un mur.
Colis
La routine en somme. Quand les colis du Dauphiné voltigent... La routine, quoique. Lorsque le 22 mars 1955 Teresa se rend au local du Dauphiné et qu’un colis déposé sur un meuble se met à voltiger jusqu’aux pieds de M. Costa, l’étrangeté monte encore d’un cran…
Lieu
Visiblement n’importe que lieu peut devenir "hanté" grâce à elle. D’ailleurs le lendemain c’est alors qu’elle est au restaurant qu’une bouteille de limonade prend la tangente.
Places
Arrive enfin le 28 mars 1955. Les places pour la soirée d’Isma Visco se sont arrachés. L’homme est implacable face aux témoins : "Vous croyez avoir vu ; vous n’avez pas vu ; voici ce que vous avez réellement vu"…
Foule
Dans la foule, se mêlent aux Mauriennais, des membres éminent du monde de la magie venus spécialement, ainsi que des disciples du Christ de Montfavet. Des simples curieux jusqu’aux adeptes d’une secte : voilà qui promet !
Curieux
Face à eux Isma Visco démonte un à un les tours de fakirs. Magnétisme ou encore transmission de pensée. Il y a bien une fausse note quand l’illusionniste demande au chanoine Bellet de sortir un instant.
Démonstration
Voilà qui ne plaît pas au public. Mais ensuite, la démonstration est telle que c’est le chanoine en personne qui lance les applaudissements. En revanche lors de la confrontation direct avec les témoins, ceux-ci n’en démordent pas : ils ont réellement vu ce qu’ils ont vu.
Chanoine
Y compris le chanoine qui se lève pour affirmer au milieu du vacarme que lui aussi a assisté à des scènes incroyables. Alors ? Phénomène collectif de suggestion comme le pense Isma Visco ? Ou véritable don de Teresa ? À quatre heures du matin, devant la salle municipale, on s’écharpe encore.
Défi
Pas de doute, seul le défi permettra de trancher la question. Pour que celui-ci ne soit entaché d’aucune controverse, un règlement a été établi. Un avocat de Neuchâtel représente l’illusionniste et le maire de Saint-Jean, avocat, est aussi garant de l’accord. Me Dupré, huissier, sera aussi de la partie.
Pièce
Le "défi" se déroulera dans une pièce désignée au dernier moment. Une pièce vide, avec seulement quatre objets : un broc, un pot à lait, une marmite et un tabouret. Tous seront posés sur une table avec rien autour. Chaque partie aura cinq chaises, plus 12 autres pour les journalistes.
Public
Et pas de public ! Si Teresa ne se sent pas bien, elle est autorisée à décaler de 24 heures la séance. Mais dans l’entourage de la jeune femme, on commence à se dire qu’un petit bénéfice sonnant et trébuchant ne serait pas de refus.
Expérience
Visco donnerait un million aux bonnes œuvres et eux ne toucheraient rien ? Injuste. Le mari de Teresa prévient donc : ils veulent 500 000 francs pour se prêter à l’expérience.
Contrat
Voilà qui n’était pas prévu dans le contrat… Mais alors qu’on parlemente en présence du maire, un escabeau se met à valser.
Phénomène
"Vous voyez bien, ça vaut plus de 500 000 un phénomène pareil" s’écrie Costa. Peut-être, à condition que le phénomène se reproduise dans les conditions prévues.
Tension
Le 29 mars 1955, la tension est maximale lorsqu’à 10 heures l’huissier indique le lieu du défi. Ce sera la véranda de M. Plançon, un ingénieur de Péchiney qui l’a gracieusement prêtée, et vidée.
Famille
Tout le monde arrive… Sauf Teresa. Au bout d’une heure d’attente, Visco envoie une voiture. Non seulement la jeune femme est ramenée mais aussi son bébé, son mari, sa cousine et une bonne partie de la famille qui a décidé de venir en nombre.
Valentino
Valentino réclame désormais au moins 200 000 francs, Teresa veut surtout pouvoir être entourée. Si sa sœur, sa cousine, son mari et quelques autres ne peuvent pas rester, elle ne tentera rien.
Illusionniste
L’illusionniste suisse cède. D’accord pour les invités supplémentaires. À condition qu’un médecin puisse vérifier leurs faits et gestes.
Accord
Nouvel accord, nouvelle date : la confrontation est reportée de 24 heures. Le 30 mars à 8 h 30 du matin le reporter du Dauphiné Roger-Louis Lachat et le photographe Albert Ramus s’en vont chercher la famille Costa à Saint-Julien pour les amener jusqu’à la fameuse véranda.
Casserole
Tandis que la famille se prépare, d’un coup une casserole d’eau s’élève du fourneau et tombe sur le sol dans un bruit étrange. Lachat, qui regardait ailleurs, peste d’avoir raté l’envol.
Pâle
Ramus, lui, "est pâle comme notre carnet de notes, bouche bée, gorge sèche" selon son acolyte. Puis c’est un filet à provisions qui s’agite tout seul. Autant dire qu’en arrivant sur le lieu du défi, l’ambiance est déjà tendue…
Huissier
Chacun prend place. Teresa, ses proches, Isma Visco, les journalistes, l’huissier, le médecin, etc. Toute la matinée tous vont dans un silence de mort observer autant les objets posés sur la table que Teresa.
Rien
Mais rien ne se passe. En revanche plus le temps passe, plus la jeune Calabraise pâlit. Gémissant, tombant dans les bras de ses amies, elle sombre bientôt dans une crise impressionnante.
Hystérique
"symptômes d’état hystérique" tranche le médecin. Après quelques heures de repos acceptera-t-elle de retenter l’expérience au cours de l’après-midi ? "Ma femme est persuadée que vous lui jetez un sort" lance Valentin Costa à Isma Visco. "Votre présence la rend malade, elle abandonne". Dommage.
Inanimés
Définitivement les objets restent inanimés. Tellement dommage que finalement Teresa se laisse convaincre. Jusqu’à 19 heures tous les participants vont donc reprendre leur place. Pour rien. Définitivement, les objets restent des objets, inanimés. Visco ne donnera pas un million à la ville, les journalistes n’auront pas de scoop, et le mystère ne sera jamais éclairci. À moins que…
Archive Le DL, dans la vallée alpine, la fièvre gagne.
Lyon au 10 de la rue Longue un homme a la réponse.: M. Fantgauthier, patron d’une grande fabrique lyonnaise de corsets, est à ses heures perdues le président de la Société d’Études Psychiques et Spirites. Société qui s’est penchée sur le sort de Saint-Jean-de-Maurienne et de Teresa Costa. Verdict ?
Médium
Le sexagénaire le confie volontiers au reporter Lachat : "Je suis en communication constante avec Teresa". Pas par téléphone ni par courrier, mais par l’intermédiaire de son médium. Bon, bon, bon… Et alors ? "Je lui ai expliqué ce qu’était le mal dont elle souffrait". Mais encore ?
Fouiller
On n'a qu’à fouiller le sol. Au milieu du siècle dernier, dans la vénérable maison où coucha malencontreusement Mme Costa, vivaient deux vieillards avares et coléreux. Un soir, un chemineau réclama pain et asile. Les vieux ladres voulurent le chasser, il regimba. Un des vieillards saisit un gourdin et le chemineau s’écroula frappé à mort".
Cadavre
Selon M. Fantgauthier, le cadavre aurait été enterré dans une des caves. Rapport avec Teresa ? "L’âme de l’infortuné erra dans la maison. Jusqu’au jour où elle se nicha dans le corps innocent de la candide Teresa".
Squelette
Réaction du journaliste empreinte du cartésianisme le plus pur : "Etes-vous vraiment sûr ?" "Absolument. D’ailleurs on a qu’à fouiller le sol des caves, on trouvera le squelette". La suggestion ne fut pas suivie d’effet. Personne ne creusa et aucun squelette ne fut jamais trouvé, du moins à notre connaissance. Teresa, elle, reprit des forces sous le soleil de la Calabre.
Épilogue
Quant aux casseroles, tabouret et autres bouteilles, ils semblent tous s’être calmés depuis cette époque.
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